104 tentatives aux élections, zéro victoire et il se représente
SOUFIANE CHAKKOUCHE
ONFR+, le 7 octobre
Jean Turmel, son nom ne vous dit probablement rien. Et pourtant, ce francophone est un champion du monde, et plutôt deux fois qu’une. Selon le livre Guinness des records, il est lʹêtre humain qui a participé le plus aux élections dans le monde et qui, aussi, en a perdu le plus. Toutes. Rien qui puisse le décourager cependant, puisquʹil se représente pour les municipales ontariennes cette année. Insolite.
Ne lui parlez jamais dʹabandon. Jean Turmel est entêté : il a fait lʹaffiche de pancartes électorales de toute sorte, plus que nʹimporte qui dans le monde.
En effet, qu’elles soient fédérales, provinciales ou municipales, ce natif de Rouyn-Noranda compte depuis 1979, année de sa première candidature, 105 participations à son tableau de chasse, pour presque autant de défaites.
Une pugnace « prouesse » faite dans le moule de lʹéchec donc et qui sʹest soldé par une inscription dans le livre Guinness des records, livre où on peut lire que « Sa seule non-défaite sʹest produite lorsque lʹélection partielle de Guelph a été devancée par une élection fédérale en 2008 », et donc annulée.
Il était alors impensable pour ce résident de Brantford dans le Sud-Ouest de l’Ontario de rater le scrutin municipal qui sʹen vient. Cette fois-ci, il a jeté son dévolu sur Brantford dans lʹespoir d’en devenir le maire.
UNE HISTOIRE D’INTÉRÊT
Mais quel est donc le programme de ce candidat atypique qui est derrière tant de défaites ? Eh bien, il est question tout bonnement dʹabolir les intérêts dans le système bancaire, ni plus, ni moins.
« Supprimer l’intérêt bancaire, c’est la mission que je me suis donnée il y a 42 ans, et je ne cesserai pas de me présenter à toutes les élections tant que nous n’aurons pas nos crédits sans intérêt. On doit payer seulement ce qu’on doit, les intérêts bancaires sont lʹarnaque du siècle », explique-t-il le plus sérieusement du monde.
Et comment compte-t-il faire cela ? C’est simple : « Je veux reprogrammer les ordinateurs des banques pour qu’ils nous donnent des cartes de crédit sans intérêt. Je suis ingénieur et, en tant que tel, mon devoir est de sauver la planète de l’intérêt bancaire », affirme-t-il.
Une réforme et une refonte donc du système monétaire du pays au complet, voilà ce que propose l’éternel candidat.
UN MATHÉMATICIEN DE GÉNIE
Hormis sa formation en génie électronique de l’Université de Carleton, M. Turmel a passé quatre années dans les mathématiques appliquées aux jeux dits du hasard.
À lʹépoque, ce cours est le seul du genre à être dispensé dans tout le Canada et lʹétudiant en est sorti major de promotion avec un A+ attribué par une pointure mondiale des mathématiques, le professeur Walter Schneider dont il deviendra l’assistant personnel en 1975.
Et, puisque Jean Turmel ne fait rien comme le commun des mortels, il met naturellement à profit son don et ses connaissances pour embrasser une carrière de joueur professionnel de blackjack et de poker.
Le mathématicien compte parmi les plus grands joueurs mondiaux de blackjack et de poker. Sa capacité à compter les cartes dans ces jeux lui a valu le surnom du « Professeur » dans les plus prestigieux tournois de poker de Las Vegas.
BANNI DES MÉDIAS… ET DES CASINOS
Toutefois, ce don a aussi entraîné des expulsions manu militari et des interdictions des plus grands casinos américains, notamment du célèbre Sands hôtel sur le Strip de Las Vegas.
Persona non grata, M. Turmel l’est aussi vis-à-vis des débats politiques, du moins selon lui. « Je n’ai jamais gagné une élection parce que mon message et mon programme n’arrivent pas aux électeurs. Les médias ont toujours exclu mon programme des débats. Big Brother ne veut pas que mon message passe. Mais tant pis. Je vais aux débats même si je n’y suis pas invité et je campe là jusquʹà ce que la police vienne me chercher. »
Et le joueur ne bluffe pas : il a été arrêté une vingtaine de fois par la police durant ses campagnes électorales. Une situation qui risque de se reproduire dʹici le 24 octobre prochain, date à laquelle Jean Turmel saura, pour la 105e fois, s’il est élu ou pas.
Un pari qu’il n’est pas prêt de gagner, puisque, d’un point de vue probabiliste, ses chances de lʹemporter avoisinent le zéro et, en bon mathématicien, il est bel et bien conscient de cela.